Parce qu’une victime d’accident de travail ou maladie professionnelle doit être indemnisée comme les autres victimes.
Pourquoi un livre blanc
Depuis 1921, la FNATH accompagne et défend les personnes accidentées de la vie pour faciliter l’accès à leurs droits.
Soutenue par un maillage territorial riche de milliers d’adhérents, de bénévoles et de professionnels, nous nous mobilisons depuis 102 ans pour défendre les droits collectifs auprès des pouvoirs publics. Cet engagement nous permet chaque année d’améliorer les droits et le maintien d’acquis sociaux. Le respect et la responsabilité avec lesquels la FNATH a toujours agi lui ont permis de tisser des liens de confiance réciproque avec tous les acteurs.
Aujourd’hui, nous sommes la seule association représentative au plan national de toutes les victimes d’accidents du travail ou maladies d’origine professionnelle.
Alors que la confiance en notre association vient d’être renouvelée, à la fois au sein de l’AGEFIPH et du CNCPH, la FNATH a l’ambition de poursuivre et de renforcer son combat historique dans les instances représentatives des personnes en situation de handicap ainsi que de santé au travail. Il ne s’agit pas de contester, mais surtout d’être force de proposition. L’expérience et l’expertise de notre association ne sont plus à démontrer et
nous avons à cœur de la mettre au service du progrès social. C’est la raison pour laquelle nous publions aujourd’hui ce libre blanc.
Nous constatons au quotidien des injustices face auxquelles nous ne pouvons rester muets. Chaque jour nous représentons des hommes et des femmes victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles devant les pôles sociaux des tribunaux judiciaires et les cours d’appels, et chaque jour, nous constatons avec amertume l’injustice dont ces personnes sont victimes.
Ces hommes et ces femmes, blessés parfois mortellement, ont la malchance que cet accident se soit produit dans le cadre professionnel. Le même événement, s’il était survenu dans un autre contexte, aurait été pris en charge de manière totalement différente et meilleure.
Contrairement à toutes les autres victimes, les victimes d’AT/MP ne bénéficient que d’une indemnisation forfaitaire et non totale des préjudices subis. Ils sont ainsi traités au regard d’une loi datant de 1898.
Les accidentés de la circulation, médicaux, de sport,… ont pourtant bénéficié d’évolutions qui leurs permettent aujourd’hui une indemnisation intégrale des préjudices subis. Rien n’a été fait pour les victimes d’AT/MP et leur réparation reste forfaitaire, ne couvrant donc pas intégralement les préjudices subis ; même en cas de faute inexcusable de l’employeur, la réparation reste forfaitaire.
L’inégalité de traitement dont souffrent les victimes d’AT/MP est donc inexplicable et rien ne la justifie.
Cette injustice est d’autant plus surprenante au regard de l’importance donnée à la valeur travail dans notre société. Réforme de l’assurance chômage, investissement dans la formation, développement de l’apprentissage, la législation sait évoluer pour inciter au travail. Elle doit également en être capable en matière de protection des travailleurs.
La FNATH n’est pas seule à dresser ce constat dramatique. La justice a, à plusieurs reprises, pris des décisions allant dans le sens de nos revendications. La Cour des Comptes et la Cour de Cassation ont par exemple toutes deux mis en évidence que le caractère forfaitaire de la réparation des AT/MP est en décalage total avec les évolutions sociales et juridiques à l’œuvre depuis la loi de 1898, et qui se sont accélérées ces dernières années au profit des victimes.
En mars 2023, l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation a rendu deux décisions qui opèrent un revirement de jurisprudence et améliorent sensiblement la réparation pour les travailleurs concernés par des AT/MP en cas de faute inexcusable de l’employeur, c’est-à-dire lorsque « l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».
Tout comme le Conseil d’Etat auparavant, la Cour de Cassation estime dorénavant que la rente perçue par les personnes victimes d’AT/MP vise uniquement à réparer les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle et non dans sa vie personnelle. Cela signifie que l’employeur doit désormais également financer le déficit fonctionnel permanent, qui correspond aux troubles de la vie quotidienne subi par une victime à la suite d’un AT/MP en cas de faute inexcusable.
Ces récentes décisions soulignent deux éléments majeurs :Tout d’abord elles démontrent que le constat que nous faisons depuis des années est bel et bien partagé par un nombre croissant d’acteurs qui ne supportent plus qu’unetelle injustice persiste, ensuite ces décisions soulignent que des principes juridiques trop anciens doivent être adaptés à la société d’aujourd’hui. Si la loi n’a pas encore changé, ces évolutions de la jurisprudence sont la preuve que notre combat est juste et qu’il doit être soutenu.
Nous sommes ainsi extrêmement déçus de l’Accord National Interprofessionnel signé entre les organisations syndicales et patronales en mai dernier et qui souhaite que le législateur ne prenne pas en considération cette avancée sociale du pouvoir judiciaire.
Cette avancée ne doit pas être censurée ou même minorée, elle doit être confirmée !
C’est la raison pour laquelle nous interpellons aujourd’hui à la fois les décideurs mais également les pouvoirs publics, les acteurs institutionnels et tous ceux et celles qui ne conçoivent pas que la loi puisse être injuste. Il s’agit de rétablir une situation légale qui, avec le temps, est devenue discriminatoire ; nous ne cesserons de faire valoir nos arguments pour que les victimes d’AT/MP puissent être prises en charge dignement et intégralement comme toutes les autres victimes d’un dommage corporel ou psychologique le sont aujourd’hui en France.
C’est donc avec détermination, conviction et dans un esprit de responsabilité que nous publions ce livre blanc et avançons des propositions concrètes pour, ensemble, faire bouger les lignes. Le projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2024 est un rendez-vous que nous ne pouvons pas manquer.