La FNATH, association des accidentés de la vie, représente depuis plus de 100 ans les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Présents sur tout le territoire, nous voyons chaque jour monter l’inquiétude liée à l’utilisation massive des pesticides tant dans le milieu agricole que chez les autres professionnels exposés et les particuliers. Nous constatons les dégâts, tant physiques que psychologiques, dont sont victimes de nombreux travailleurs suite à l’utilisation, parfois très récente, de multiples produits phytosanitaires dont ils ignoraient souvent la dangerosité.
Il ne fait aujourd’hui plus guère de doute que les pesticides sont un enjeu majeur de santé publique dont il est urgent de se saisir, d’autant que les conséquences de leur utilisation nous concernent tous. En tant qu’association de victimes, nous alertons les pouvoirs publics sur le fait que les pesticides peuvent constituer le nouveau « drame de l’amiante » si les autorités ne prennent pas dès à présent les mesures nécessaires.
En 2009, la FNATH faisait reconnaître pour la première fois l’origine professionnelle de la maladie de Parkinson
Il y a 15 ans déjà, en 2009, la FNATH faisait reconnaître pour la première fois l’origine professionnelle de la maladie de Parkinson en lien avec l’exposition à des pesticides. Notre association s’est depuis battue pour la publication d’un tableau de maladie professionnelle sur le sujet, qui a été publié en mai 2012. Un autre tableau, publié 2016, relatif aux hémopathies malignes provoquées par les pesticides, permet aujourd’hui la prise en charge du lymphome malin non hodgkinien au titre des maladies professionnelles. Sous l’impulsion des associations, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 a enfin instauré un fonds d’indemnisation des victimes de pesticides qui concerne également les salariés non agricoles et les enfants exposés in-utéro.
De nombreux progrès ont ainsi déjà vu le jour et cela doit nous inciter à poursuivre collectivement les efforts dans cette direction. Toute marche arrière ou mise en pause des réformes, comme semble l’envisager le gouvernement suite à la crise agricole, serait dévastatrice. Cette crise a traduit une colère juste et compréhensible à bien des égards mais l’apaisement ne doit pas se faire au prix de concessions sur des mesures qui protègent la santé collective. L’apaisement ne sera véritable et durable que si les décisions qui sont prises favorisent un meilleur accompagnement des professionnels et l’apport de solutions saines et viables. Ne nous trompons pas d’ennemi ! L’excès de normes est un défaut mais toutes ne doivent pas être sacrifiées sous prétexte qu’elles ne constitueraient que des freins au développement.
Ayons l’audace de nous attaquer aux véritables racines des problèmes et reconnaissons qu’il est raisonnable de tout faire pour se débarrasser au plus vite des pesticides. Si nous poursuivons leur utilisation massive, ce sont des milliers de vies qui sont menacées et que la société dans son ensemble devra prendre à sa charge. Au-delà des aspects sanitaires et environnementaux, l’abandon des pesticides est ainsi également rationnel financièrement.
La FNATH demande donc :
- Une extension des distances minimales d’épandage des pesticides et la fin des multiples dérogations accordées depuis 2020.
En France, avec l’étalement urbain et le grignotage des terres agricoles et naturelles, un nombre croissant de personnes habitent dans des lotissements qui jouxtent des champs traités. La protection de la santé de ces populations riveraines et de celle des exploitants agricoles ne peut être une variable d’ajustement.
- Que soit appliquée la législation européenne sur l’évaluation de la toxicité des pesticides.
Le changement d’indicateur proposé par le nouveau plan Ecophyto ne doit pas faire courir le risque de sous-estimer les coefficients de dangerosité des produits.
- De maintenir l’objectif de réduction de 50% de l’utilisation des pesticides dans l’Union Européenne d’ici à 2030.
Il ne s’agit pas simplement de se débarrasser des pesticides les plus dangereux mais de lutter contre l’ensemble des pesticides car tous sont nocifs et aucun n’est anodin.
- L’introduction d’un minimum de 20% d’alimentation issue de l’agriculture biologique dans les marchés publics alimentaires, y compris pour les établissements scolaires au niveau de l’UE en 2025.
- La mise en œuvre d’une Europe 100% agroécologique sans pesticides d’ici 2050 et 25% d’ici 2030.
Il est nécessaire de financer la recherche de solutions alternatives aux phytosanitaires.
Nous savons ces objectifs ambitieux et c’est pourquoi il est urgent d’investir massivement et rapidement dans la recherche de solutions alternatives pour que cette transition ne pénalise pas les professionnels mais soit au contraire une occasion inédite d’imaginer un modèle au sein duquel ces derniers n’auraient plus la crainte de détruire leur santé en se rendant quotidiennement au travail.
En conclusion, nous insistons sur le fait que la FNATH constate chaque jour dans ses permanences les dégâts que font les lobbies de l’industrie phytosanitaire. Ce n’est pourtant pas eux mais l’état des connaissances scientifiques actuellement disponibles qui doit être notre boussole. La France étant le deuxième pays d’Europe et l’un des premiers pays au monde dans l’utilisation des pesticides, il y a urgence à agir en la matière !