Depuis la création du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides par la loi de financement de sécurité sociale pour 2020, de nouvelles règles sont intervenues par décret numéro 2020–1463 du 27 novembre 2020 pour assurer l’indemnisation forfaitaire des victimes.

Même si le texte est relativement long et traite d’un certain nombre de procédures voilà ce que l’on peut en retenir.

Au cours de ces dernières années, l’utilisation des pesticides dans l’agriculture conventionnelle a certes permis de produire plus, de mettre sur le marché des produits agricoles en apparence de qualité, sans respecter les exigences de santé et de sécurité publique.

Au vu de l’augmentation du nombre des victimes directement exposées aux pesticides et des victimes collatérales, le gouvernement a créé à compter du 1er janvier 2020 un fonds d’indemnisation des victimes de pesticides. (Article 70 de la loi de financement de sécurité sociale).  Présenté comme une avancée sociale, sa mise en place tend à réduire l’utilisation des pesticides et satisfaire les objectifs suivants :

  • faciliter les démarches des victimes éligibles,
  • instaurer une procédure plus simple et plus rapide,
  • améliorer sinon compléter l’indemnisation de certaines victimes,  sans aller jusqu’à assurer la réparation intégrale comme par ex. avec le FIVA.

I – Les bénéficiaires admis à saisir le fonds

Les assurés exposés aux pesticides durant leur activité professionnelle, relevant du régime général ; des salariés des professions agricoles (régime MSA) ; les non-salariés des professions agricoles (chef d’exploitation, collaborateur d’exploitation, aide familiale); les assurés des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle

Les assurés relevant de la solidarité nationale : les assurés non-salariés des professions agricoles ; les anciens exploitants, les conjoints, les membres de la famille bénéficiaire d’une pension de retraite et qui ont cessé leur activité avant le 1er avril 2002 ainsi que les enfants atteints d’une pathologie résultant d’une exposition prénatale.

Les personnes exclues du dispositif : les victimes d’une rechute, d’une révision ou d’une nouvelle lésion d’une maladie professionnelle  accordée avant le 29 novembre 2020 ; de même que les personnes relevant de la fonction publique ou d’un régime spécial, (leurs demandes relèvent de la compétence de leur employeur ou de la caisse d’affiliation) ainsi que les personnes qui ont fait l’objet d’un refus d’indemnisation pour une maladie professionnelle avant le 29 novembre 2020.(Ces dernières pourront déposer une nouvelle demande au cas de création de révision du tableau de maladie professionnelle).

II -Dépôt et instruction des demandes

Le décret définit la procédure d’instruction des demandes concernant la reconnaissance des maladies professionnelles ainsi que l’indemnisation des enfants exposés pendant la période prénatale.

A. Les délais de saisine

-A l’instar de ce qui existe pour les maladies professionnelles, les victimes disposent d’un délai de deux ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien possible entre la pathologie et l’activité professionnelle pour saisir le fonds.

À titre dérogatoire, jusqu’au 31 décembre 2021, les victimes pourront adresser leur demande au fonds quelle que soit la date d’apparition de la pathologie. Postérieurement à cette date, les demandes seront soumises aux règles de prescription de droit commun et devront être adressées au fond dans les deux ans suivant le certificat médical.

B. En ce qui concerne les délais dans le cadre de l’indemnisation des enfants

Jusqu’au 31 décembre 2021, les demandes pour les enfants exposés durant la période prénatale peuvent être présentées au fonds quelle que soit la date de consolidation de l’état de santé de l’enfant.

Postérieurement à cette date, les demandes seront soumises aux règles de prescription de droit commun et devront être présentées dans les 10 ans suivant la date de consolidation.

C. Les démarches à accomplir

Les victimes de maladie professionnelle exposées aux pesticides doivent déposer leur demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de leur caisse (CPAM, MSA, CGSS) y compris pour les exploitants agricoles retraités avant 2002. Au cas de décès les ayants droits doivent également saisir la caisse d’affiliation en vue de la constitution du dossier de reconnaissance de maladie professionnelle.

1.Composition du dossier :

  • La déclaration de maladie professionnelle (disponible sur le site Internet de la caisse),
  • Le certificat médical initial,
  • Les examens complémentaires exigés dans le tableau

2. A titre dérogatoire,  le dossier peut être adressé directement au fond

C’est notamment le cas pour l’exposition prénatale aux pesticides ; en ce cas l’enfant ou les représentants doivent réaliser les démarches et constituer le dossier près du fonds exclusivement.

III- La procédure d’indemnisation

Le fonds a délégué l’instruction des dossiers à la caisse de mutualité sociale agricole Mayenne- Orne- Sarthe qui étudie les demandes d’indemnisation des maladies professionnelles liées à l’exposition pesticides.

A – La procédure ordinaire : l’instruction par la caisse agissant pour le compte du fonds

  • L’examen préalable

Dès que la caisse a été saisie, elle accuse réception du dossier et s’assure que la demande est en lien avec l’exposition professionnelle. En ce cas, elle informe la victime de la transmission du dossier complet au fonds d’indemnisation.

  • Le recours à l’expertise

Cette expertise est réalisée pour le compte du fonds par la caisse MSA Mayenne Orne Sarthe qui examine la demande de prise en charge de maladie professionnelle. Le médecin conseil du fonds donne son avis sur la date de consolidation de la maladie et fixe le taux d’incapacité permanente partielle après avoir recueilli éventuellement l’avis du médecin conseil de la caisse.

B – La procédure spécifique : le recours au système complémentaire

1 – L’examen par le comité unique de reconnaissance des maladies professionnelles

On est ici dans le cadre du système complémentaire (CRRMP) du fonds.

Cette instance sera chargée d’examiner les demandes d’indemnisation lorsque la pathologie ne figure dans aucun tableau de maladie professionnelle ou encore lorsqu’une des conditions du tableau n’est pas remplie.

Cette instance doit être composée :

  • d’un médecin du travail qualifié
  • d’un professeur des universités
  • d’un médecin-conseil relevant du régime général du régime agricole

2 – L’examen par une commission d’indemnisation des enfants

La commission d’indemnisation est chargée d’examiner les demandes d’indemnisation des enfants et de statuer sur le lien de causalité entre la pathologie et l’exposition prénatale aux pesticides.

Elle doit être composée :

  • du président,
  • de deux personnes compétentes en matière d’exposition pesticides,
  • de deux professeurs d’université–praticien hospitalier ou praticien hospitalier ayant une expérience professionnelle dans les pathologies liées aux pesticides et des pathologies infantiles liées au développement in utero.

3 – L’offre d’indemnisation du fonds

En ce qui concerne les enfants victimes d’exposition prénatale aux pesticides

Le fonds dispose d’un délai de six mois (porté à 12 mois pour les demandes déposées en 2020) pour instruire la demande, réaliser si nécessaire des investigations, (questionnaire enquête) et se prononcer sur le lien entre la pathologie et l’exposition prénatale.

  • En cas d’avis favorable, le fonds adresse dans un délai d’un mois après cet avis une offre d’indemnisation à l’enfant ou à ses représentants.
  • En l’absence d’offre dans ce délai de six mois intervient décision implicite de rejet. En cas d’accord, le fonds adresse une offre valable pendant quatre mois.
  • En l’absence de réponse de la victime dans ce délai, le silence est considéré comme un rejet de l’offre. Au cas de refus d’indemnisation, le fonds notifie cette décision à la victime.

4 – Voies de recours

Les victimes pourront agir contre le fonds devant la cour d’appel du ressort de leur domicile au cas :

  • de rejet de leur demande d’indemnisation,
  • si aucune offre ne leur a été présentée dans le délai de six mois
  • si elles ne l’ont pas acceptée.

La victime peut également saisir les tribunaux en vue de demander une réparation intégrale des préjudices.

a -La décision appartient au fonds

C’est le fonds d’indemnisation qui prend la décision et en transmet une copie à la caisse.

b – Les contestations

  • Au cas de décision de rejet de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie, la victime aura la possibilité de saisir la commission de recours amiable du fond.
  • Au cas de contestation du taux d’incapacité la victime aura la possibilité de saisir la commission médicale nationale de recours amiable.

IV – La liquidation des préjudices

Le décret  fixe les règles de calcul des indemnisations (indemnité journalière en cas d’incapacité temporaire de travail, complément d’indemnisation en cas d’incapacité permanente inférieure à 10 %, rente en cas d’incapacité permanente au moins égale à 10 % ou rente aux ayants droits en cas de décès

Les droits du fonds après indemnisation

À l’instar du régime du FIVA, le fonds est subrogé dans les droits de la victime contre le responsable du dommage et contre les organismes chargés d’assurer la réparation des préjudices. Il pourra intervenir devant les juridictions civiles, celle du contentieux de sécurité sociale, la juridiction administrative et même devant les juridictions répressives en cas de constitution de partie civile du demandeur.

Au final, vous aurez constaté que nous sommes très loin d’un vrai fonds d’indemnisation et d’une indemnisation intégrale puisqu’à aucun moment, il n’est prévu une indemnisation des préjudices extra patrimoniaux. Si vous en avez l’occasion, n’hésitez pas à le rappeler aux parlementaires.

Si vous souhaitez être accompagné par les juristes de la FNATH, contactez nos antennes en proximité ou posez vos questions à notre service conseil et défense en ligne.